dimanche 15 mai 2011

Colonel Mohamed Mellouki - Révision Constitutionnelle 2011

                              
Le 2 mai 2011, le colonel Mohamed Mellouki a déposé auprès de la Commission consultative de la révision constitutionnelle le Mémorandum ci-après.

   
                                
 
                                          Monsieur le Président,
                                         Mesdames et Messieurs
           de la Commission consultative de la révision constitutionnelle



                   Je vous sais gré d’avoir l’amabilité de me recevoir parmi vous. Ce moment est mémorable pour moi, et je tiens à vous remercier vivement de me donner l’occasion de m’exprimer sur un thème aussi sensible et aussi brûlant que celui de la révision constitutionnelle qui focalise intérieurement toute la réflexion politique et intellectuelle de l’élite marocaine et a suscité  hors de nos frontières une forte adhésion au sein de notre communauté à l’étranger, ainsi qu’une résonance auprès de certaines voix renommées et influentes à l’international, qui l’ont saluée chaleureusement.
                    Mr le Président,
                    Mesdames et Messieurs
                    Votre honorable Commission a été chargée par SM le Roi d’une tâche extrêmement ardue, d’une très haute importance et cruciale présentement pour notre vie sociale. Une mission qui va, également, engager le Maroc sur deux à trois générations, soit trois ou quatre décennies. C’est dire que le résultat de vos travaux revêtira indéniablement un aspect décisif dans un sens ou un autre pour le devenir du pays.
                    Votre tâche exige, certes, une parfaite maîtrise de l’arsenal juridique et constitutionnel que nul n’ose avoir l’outrecuidance de vous disputer, et encore moins le novice que je suis en la matière. Mais permettez-moi de vous poser quelques questions. Vôtre tâche doit-elle se limiter à ces deux volets ‘juridique et constitutionnel’ ou doit-elle transcender ce cadre purement technique, quand bien même éminent, et englober des considérations politiques, voire stratégiques ? Doit-elle se cantonner dans l’aire marocaine ou regarder aussi par-dessus l’espace national et prêter une oreille attentive à la conjoncture qui bouillonne à nos frontières, que nous vivons à la fois à distance et au sein de nos foyers par le biais du matraquage que nous subissons de façon quasi ininterrompue, presque en boucle, depuis un certain temps, de la part de certains médias? Aussi, j’ai jugé utile d’axer mon intervention sur deux plans : l’un politique et l’autre constitutionnel ; les deux étant indissociables l’un de l’autre, parce que le premier commande au second et celui-ci doit s’inspirer du précédent.

                   

                                           A)- Au plan politique :
                     Il y a à peine quelques mois, le Maroc semblait devancer d’un cran, ou plus même, la quasi-totalité du Monde arabe sur la voie de la réforme de son assiette institutionnelle en initiant la réforme régionale. Mais à peine que le projet a été finalisé qu’il a déjà été rattrapé par certaines revendications. Il est apparu, du moins au commun des mortels, que la réforme régionale en question obéissait à un double objectifs : jeter du lest, eu égard à certaines récriminations internes, et noyer dans le contexte de cette réforme l’imbroglio saharien et rendre la position du Polisario, à l’international, plus précaire. À ce moment, le pays jouissait encore d’une stabilité qui s’enracinait dans un climat serein que ne menaçait, à l’horizon, aucune perturbation inquiétante. Nul ne soupçonnait, en effet, que le risque d’une déstabilisation pourrait surgir de la Tunisie ou de l’Egypte et aller enflammer la Libye, le Yémen, la Syrie et le Bahreïn et cogner la porte de la Jordanie et même celle du paisible sultanat d’Oman. À notre rive immédiate qu’est l’Algérie, le baromètre est lui aussi oscillant. Vous suivez sûrement la situation aussi attentivement que moi, et vous l’appréciez sûrement mieux que moi ; mais aucun d’entre nous, un tant soit peu responsable et conscient, ne peut, et ne doit en minimiser les risques d’une répercussion en profondeur chez nous. C’est dire qu’une telle éventualité doit être prise comme paramètre qui doit aussi présider à l’esprit de la réforme en cours.
                       Certes que Sa Majesté a eu la haute perspicacité et la profonde intelligence de diagnostiquer le phénomène à distance, et avec une extrême rapidité d’une intelligence vive et visionnaire, d’où le discours du 9 mars dernier. Je saisis l’occasion pour à la fois en saluer profondément la teneur et rendre hommage au souverain pour son souci de protéger le Maroc d’une contagion qui a déjà ébranlé certains esprits.
                    Dans  une lettre que j’ai publiée sur le Facebook, à la date du 15 mars dernier, je disais que le moment était historique et grave et dans une interview que j’ai accordée à MarocHébdo, parue dans son n° 929 du 22 avril dernier, je réitérai que le pays se trouvait à la croisée des chemins. Pourquoi ? Pour une raison simple : Les Marocains n’ont plus les yeux rivés sur l’interne comme du temps où ils se sentaient mieux lotis que les citoyens de la plupart des pays ci-dessus indiqués, qui végétaient, eux, sous une férule despotique. les Marocains ne pourraient, dorénavant, se contenter d’une Constitution qui ne leur ouvrirait pas le champ de la démocratie et des droits aussi grandement que le laissent entrevoir celles en cours d’élaboration en Tunisie et en Egypte. Cette tendance fait qu’une importante frange de ce mouvement que l’on appelle désormais communément la ‘ Jeunesse’, si elle n’en conteste pas le principe s’oppose d’ores et déjà, ouvertement, à la nomination de votre Commission et réclame à la place une Constituante en bonne et due forme. Des personnalités de votre propre corporation même et autres cercles d’influence et de réflexions et des intellectuels de tous bords, pour la plupart des hommes d’expérience et d’âge mûr, partagent également cette perspective. Nous savons ce que ce mot ‘ constituante’, académiquement anodin, véhicule comme charge politico historique au Maroc, en raison de la propension d’une certaine élite nationale pour la culture française. Nous savons aussi qu’autour de ce vocable s’était construite l’une des aspirations du Mouvement national, devenue au lendemain de l’Indépendance l’une des revendications qui avait évolué, pratiquement, en première pierre d’achoppement entre Hassan II et Ben Barka, avec tous les évènements et leurs conséquences, dont les années de plomb qui ont longtemps marqué l’ancien règne.
                     C’est dire, Mr le Président, Mesdames et Messieurs, que le projet que vous finaliserez prendra soit la forme d’un socle d’or sur lequel s’érigeront durablement la paix et la stabilité, soit plutôt celle d’une boîte de Pandore. Dans ce dernier cas, nous n’aurons qu’à nous attendre soit à la réclamation d’une nouvelle révision constitutionnelle dès le lendemain du référendum, si le projet venait à passer avec un faible taux de participation ou de vote positif, soit à une radicalisation de la rue qui pourrait évoluer en spirale de violence, parce que les courants qui s’en tiennent à la Constituante auront le beau rôle pour justifier leur argumentation. D’autant que de la manifestation du 24 avril dernier a émané un avant-goût significatif quant aux intentions de certaines sphères d’aller au-delà d’une simple réforme constitutionnelle. Le slogan ‘ À bas le despotisme’, crié pratiquement pour la première fois, repris en chœur, comme leitmotiv, sous une bannière noire portant en son centre, en gros caractères blancs, le chiffre ‘ 20’, donne à craindre, en effet, qu’à la prochaine étape les esprits seraient surchauffés davantage. 
                     Mr le Président, Mesdames et Messieurs, je préconise que votre Commission ne finalise pas le projet attendu de façon discrétionnaire et souveraine et qu’elle se limite à compiler, par article, les suggestions, les critiques et les réserves recueillies et sollicite de SM le Roi de soumettre ce corpus de propositions à une assemblée plus élargie qui sans être une Constituante en prendrait la forme et l’allure et procéderait à une relecture de votre projet. Ainsi, la crainte d’un ‘ rafistolage’ de la Constitution et celle que votre Commission ne puisse s’affranchir de la ‘ chape psychologique’ qui tétanise les esprits dès qu’il s’agit de la ‘chose royale’ seront balayées par cette procédure à double volets. Cette dernière sera sûrement appréciée comme résultant du souci de concilier les deux tendances, celle des partisans de la Commission et celle des détracteurs.
                   La révision constitutionnelle ne doit pas répondre seulement à certaines récriminations conjoncturelles ou sectorielles, tendant à des réajustements par-ci ou par-là pour satisfaire et apaiser les acteurs potentiels de l’échiquier politique et crier au consensus de façade, car la situation, contrairement aux déclarations de nombre de leaders politiques est minée en profondeur. Les rouages de l’Etat sont grippés. Celui-ci est à l’instar d’un bateau dont le gouvernail est brisé par l’absence, en son sein, d’une conscience nationale, le manque de civisme, l’improvisation et autres inepties. Il a généré la systématisation de la corruption sous toutes ses formes, et du haut en bas de la pyramide de la fonction publique, et laquelle parasite les esprits, et grand malheur, s’installe dans ces derniers comme une fatalité qui paraît impossible d’éradiquer et à laquelle il vaut mieux souscrire si l’on tient à faire sa place au soleil ou régler et résoudre certaines situations critiques à moindre frais ; ou tout simplement accéder aux soins dans un hôpital. Fait plus grave encore : le phénomène a fait également son entrée dans les écoles primaires et a tout tendance à aller crescendo vers d’autres établissements. Quels médecins, ingénieurs, pharmaciens, magistrats, avocats aurons-nous demain, si nous ne les avions pas déjà. D’autres maux, tout aussi nocifs et endémiques, tels que le népotisme, le clientélisme, les détournements de budgets, la gabegie et la fuite de capitaux contribuent à dérégler le fonctionnement de l’Etat.  Avec à la base une répercussion terrible, horripilante, galopante au fil des jours, qui s’appelle misère, chômage, injustice, mendicité et cerise sur le gâteau une insécurité rampante qui fait que dans certains milieux urbains des familles entières n’osent plus sortir le soir, et les femmes doivent accomplir quotidiennement de véritables prouesses pour conduire ou ramener leurs enfants de l’école, ou aller au travail ou faire des emplettes. Il est aisé de répondre que l’arsenal juridique en la matière est plus que pourvu d’outils de répression dans tous les cas évoqués ci-dessus. Mais vous êtes mieux placés que quiconque pour savoir que les lois ne valent que ce que valent les hommes chargés de leur application. Cet Etat de Droit a également produit Tazmamart, Dar el Mokri, Kelaât M’Gouna, Derb Mly Chr’if et autres centres de détention secrets dont certains persistent à nos jours ou ont simplement changé de domiciliation. Nous avons, d’un côté, un arsenal juridique somme toute appréciable, et de l’autre une situation politique et sociale désastreuse qui fait que l’Etat de Droit dont nous nous targuons a tout l’air d’une pure chimère, ou du moins profite à certains et pas à d’autres, ou encore pour reprendre une certaine boutade, qui a fait son chemin dans les bouches, je dirais que dans notre Etat de Droit, certains sont plus égaux que d’autres. Certains peuvent facilement rétorquer que l’Etat s’efforce continuellement de promouvoir et d’asseoir cet Etat de Droit dans les faits. Mais qu’en est-il réellement de ces faits ? Nous avons organisé des élections et obtenu, chaque fois un cirque- la boutade est de Hassan II- Nous avons muté et ‘remuté’ des gouvernants et des responsables à divers niveaux, et rien n’y fait ; les nouveaux font vite de chausser les bottes des partants et les mauvaises manières perdurent. Nous avons crée des Conseils de toutes sortes dans un tas de secteurs, qui n’ont produit aucun impact probant sur le cours des choses. Nous avons modernisé les moyens de travail de la Justice, mais pas l’esprit de justice. Nous avons mis sur pied des Commissions d’enquêtes, d’assainissement, de transparence et autres qui n’ont pas freiné d’un iota la dégradation des mœurs administratives. Nous avons officialisé les droits de l’Homme, mais le citoyen reste toujours à la merci d’une saute d’humeur du moindre agent d’autorité. Nous avons formé des vagues de diplômés que nous avons jeté dans la rue pour grossir les rangs des chômeurs et perturber l’ordre public. Je me limite à ces quelques exemples pour ne pas alourdir le texte.
                        B)-Au plan constitutionnel :
                        Beaucoup avaient fondé leurs espoirs sur le nouveau règne. Nous avons changé de Roi, mais pas d’Etat. Douze ans après, nous avons affaire aux mêmes hommes, mêmes méthodes, mêmes pratiques et mêmes structures mentales et institutionnelles. Une réforme quelconque qui ne prendrait pas en ligne de compte ce constat est vouée à l’échec à moyen ou long terme. Jean Wolf, célèbre journaliste et écrivain belge, pose la question suivante, dans le livre qu’il a dédié à Abdelkhalek Torres : ‘ Qui nous dira pourquoi le roue tourne au mauvais moment et comment faire pour que les acteurs les mieux adaptés soient en charge des affaires à l’instant le plus opportun, pour que se crée la meilleure approche possible entre les nécessités d’un gouvernement et les qualités foncières de ceux à qui les citoyens les confient’. Nous avons, certes, pris d’innombrables initiatives, mais pas dans le cadre convenable. Comment faire alors ? Faisons donc en sorte, maintenant que la conjoncture de la révision constitutionnelle nous est offerte, que nous accomplissions une oeuvre qui puisse mettre un terme définitif à ce gâchis moral, politique, administratif, judiciaire, économique, social, qui hypothèque le présent et le devenir de la Nation. Le Maroc ne souffre ni de l’article 19, ni de certaines formes protocolaires telles que la Beiâ ou le baise-main, mais d’un dysfonctionnement de l’Etat
                      C’est dire, Mr le Président, Mesdames et Messieurs que votre tâche doit s’atteler tout simplement, à créer un nouvel Etat sur la base de nouveaux mécanismes de gouvernance. J’en donne ci-après ma vision ; elle s’articule autour de quelques points.                   
                    
                        I)- DE LA SOUVERAINETÉ :

                        De tout le contenu de la Constitution, l'article 2 est indiscutablement le plus déterminant. Il constitue le point central de toute l'assiette constitutionnelle. Il stipule: " La souveraineté appartient à la Nation, qui l'exerce directement par voie de référendum et indirectement par l'intermédiaire des institutions constitutionnelles ". Ce principe de la " Souveraineté" nécessite un examen attentif. Il comporte deux parties qui, si elles paraissent, à première vue, complémentaires, il n'en demeure pas moins que l'une vide pratiquement l'autre de sa substance. Si, en effet le binôme " souveraineté-nation" s'inscrit théoriquement dans la logique démocratique universelle et se passe de commentaire, l'autre binôme ‘référendum-institutions constitutionnelles’ suppose que l'exercice de cette souveraineté étant tributaire des échéances épisodiques, la Nation est entre-temps réduite à un simple rang de figurine, confinée dans le suivisme et l'attentisme, sans aucune possibilité d'intervenir à aucun moment dans le débat public. Parfaitement conçue dans la maxime de Montesquieu: " laisser le droit et ôter le fait", cette souveraineté fait tout au plus de la Nation une sorte de société civile à responsabilité limitée, appropriée en fait depuis plusieurs décennies dans les faits et le vécu quotidien par le seul Pouvoir, sans aucune possibilité de contestation. C'est le Pouvoir seul qui pense pour le peuple, juge du bien et du mal fondé de la marche des affaires de l'Etat, décide quand et comment orienter la politique, fixe les priorités nationales, leurs dimensions, leurs ampleurs, innove quand il veut, progresse ou recule à sa guise. Il est, donc, temps que l'article 2 de la Constitution retrouve toute sa dimension et sa consistance, autant celles-ci devront actionner des mécanismes institutionnels qui devront les  traduire dans les faits et ériger la Nation en véritable creuset de la souveraineté. Mais si déjà au plan interne, cette souveraineté censée être celle du peuple est totalement ravie par le Pouvoir, au plan externe, elle subit depuis quelques années une rude épreuve d'érosion qui la met de plus en plus en lambeaux. Si pratiquement de tout temps, depuis l'Indépendance, des ingérences extérieures n'ont jamais manqué pour le moins d'en baliser le champ, elle a tendance depuis le déclenchement de l'affaire du Sahara et surtout depuis les évènements du 11 septembre à subir des assauts contraignants. L'Algérie, l'Espagne, la France et les USA ne se gênent plus d’intervenir et de s'investir même dans le devenir du pays, par des intrigues et convoitises par certains, des pressions diplomatiques, économiques ou autres par d'autres, tantôt isolément tantôt en concertation, dévalorisant le Maroc au rang de chasse gardée ou de zone d'influence de ces puissances. Cette situation n'a d'autre raison que parce que ces dernières sont convaincues que le Pouvoir marocain a beau être fort au plan des commandes intérieures par la maîtrise des institutions conçues à dessein, il ne repose pas pour autant sur la véritable force que confère à un Etat digne de ce nom, une souveraineté réellement populaire                         







                       II)- DE LA PONDÉRATION DES POUVOIRS :


 " Il faut arrêter la Pouvoir par le Pouvoir". Cette célèbre formule de Montesquieu a servi à nos jours de base fondamentale à la théorie de la séparations des Pouvoirs. Elle est considérée comme la référence politico institutionnelle par excellence pour l'érection du système démocratique. La Constitution actuelle véhicule une conception de la séparation des pouvoirs qui semble, à priori, correspondre au principe admis universellement en la matière. La lecture attentive du texte révèle qu'au-delà des arguties qui y sont déployées, la séparation est, en réalité, purement formelle et qu'elle se définit en un pouvoir maximaliste, exclusif, écrasant et décideur qu’est l’Exécutif, et deux autres minimalistes,  atrophiés, aphones et corvéables que sont le Législatif et le Judiciaire servant respectivement de chambre d’enregistrement et d’épée de Damoclès. Cette même lecture révèle, d’autre part que l'Exécutif est totalement soumis à la volonté royale de par la nomination et la révocation du gouvernement ou des ministres ( article 24) et de la présidence du Conseil des ministres par le Roi ( articles 25 et 66). Il en découle que l'article 60, 1er alinéa, rendant le Premier ministre responsable devant le Roi et devant le Parlement introduit une certaine équivoque. Comment pourrait-on attribuer au Premier ministre la responsabilité de l'Exécutif lorsque cette instance se manifeste, plutôt, dans sa véritable dimension en Conseil des ministres présidé par le Roi, et que les prérogatives conférées au Premier ministre, en vertu des articles 62 et 63 doivent recevoir préalablement l'aval du Conseil des ministres ou requérir le contre seing des ministres chargés de l'exécution ; nonobstant, d’un côté, l’existence auprès de lui de ministres dits de souveraineté, même si cette notion n’est codifiée nulle part, et de l’autre, le fait que pratiquement il n’a même pas droit de regard sur pratiquement les nominations aux hautes charges de l’Etat, dont notamment celles des agents d’autorité relevant de l’Intérieur et celles des magistrats et des directeurs des grands organismes étatiques. Si, donc, nous avons, en fait, un Exécutif bicéphale, le Premier ministre n’y apparaît qu’en simple fusible destiné à sauter en cas de disjonction.
                      Par ailleurs, la séparation des pouvoirs n'assure pas forcément un équilibre entre les institutions, et le pouvoir régalien n'étant comptable que devant Dieu et sa conscience, le Maroc est dans un cas de figure typique dont émanent tous les dysfonctionnement de l'Etat. La solution réside, d’une part, dans une refondation en profondeur de l'échiquier constitutionnel,  par, d'une part, le réajustement du pouvoir régalien qui devra être identifié comme quatrième dimension institutionnelle, et, d'autre part, dans des innovations tant aux plans des trois autres institutions qu'au niveau régional, dans le contexte d'une assiette constitutionnelle inédite qui puisse assurer une pondération des pouvoirs, seule alternative pour renforcer, à la base, la souveraineté populaire et générer un nouvel Ordre moral imposant la prééminence de l'éthique, le règne de l'intégrité, du sens du devoir et de conscience dans la responsabilité et la gestion de la chose publique.

                        III)- DU CONSEIL DU TRÔNE :

                        La place de la Monarchie dans les institutions a depuis l’Indépendance préoccupée certains esprits. Depuis le discours du 9 mars dernier, elle est carrément projetée sur le devant de la scène nationale. Si nul ne conteste qu’elle détient des droits historiques indéniables sur le pays et qu’elle représente le socle de l’unité nationale et incarne une série d’avantages sur d’autres systèmes, il n’en demeure pas moins que son poids dans la gouvernance pose quelques questions. Le Roi doit-il continuer à régner et gouverner ou régner seulement, sans possibilité de gouverner ? Pourrait-il renoncer subitement à la théorie de ‘ la monarchie  exécutive’ ? ‘ Dans un pays comme le Maroc, où les choses comptent plus que les institutions, ces choses-là peuvent peser aussi fort sur le cours de l’histoire que le nez de Cléopâtre’, commentait Paris-Match dans son édition du 2 septembre 1972, au lendemain de l’affaire du Boeing. Mais la revendication nationale quant à un Exécutif moins régalien, sur le modèle des gouvernements Bekkay- Balafrej et Abdellah Ibrahim. Ces gouvernements n’étaient tenus par aucune Constitution et fonctionnaient, héritage historique oblige, dans l’esprit des 4ème et 5ème républiques françaises. L’expérience a, néanmoins, laissé son empreinte et regagne du terrain à un moment où la conjoncture à nos frontières est de nature à l’ancrer davantage dans les esprits, d’où la revendication de la Constituante. Mais nous sommes dans un régime monarchique qui offre actuellement l’opportunité d’une évolution libérale. La formule idéale est que le Roi règne, mais gouverne autrement, par le biais du Conseil du Trône. Cette formule présente l’avantage de contourner la réclamation d’une Constituante dont sûrement la finalité inavouée est de cantonner le Roi à inaugurer des chrysanthèmes. Elle ramène, certes, en mémoire la période de flottement institutionnel entre le départ de Ben Arafa et le retour d’exil de la famille royale. Mais nous ne sommes pas dans la même configuration politique et le contexte institutionnel que je propose est évidemment d’une tout autre nature.
                       Instance suprême de l'Etat, le Conseil du Trône réunira autour du Roi un pôle formé des trois plus hautes personnalités de l'Etat, jouissant d’une légitimité certaine: les Chefs de l'Exécutif, du Législatif et du Judiciaire ( après les réformes préconisées dans les pages suivantes). Il sera chargé de parrainer les grandes orientations nationales et devra, de ce fait, se substituer au Conseil des ministres dans les prérogatives conférées à ce dernier par l'article 66, sous réserve de quelques modifications en faveur de l'Exécutif. On ne peut plus clair, il s'agit de corriger le pouvoir régalien, pour une meilleure coordination et efficacité entre les trois Pouvoirs censés fonctionner de façon harmonieuse et complémentaire dans l'intérêt de tous; et aussi de juguler l'intrusion au sommet de l'Etat de personnages qui ne peuvent se prévaloir d'aucune légitimité électorale ni représentativité quelconque et, par conséquent, non habilités constitutionnellement à disposer d'un droit de regard sur les affaires nationales, qui ont tout à gagner de la gloire de la monarchie et rien à perdre en cas de retournement de la situation.

                       IV)- DU POUVOIR EXÉCUTIF :

                      Dirigé par le Président du Conseil de Gouvernement, il devra nécessairement incarner la formation ou la coalition majoritaire sur l'échiquier politique. Ce nouveau titre est de nature à élever le chef de l'Exécutif, du rang de simple primus inter pares qu'est le Premier ministre actuellement, à une dignité étatique qui puisse lui octroyer l'autorité discrétionnaire sur son Cabinet et sur les mécanismes de l'Administration. Dans ce dessein, le Chef de l’Exécutif devra détenir ses prérogatives de la Constitution, et non d’une simple délégation de pouvoirs octroyés par le Roi, même de façon durable. Cependant la latitude de planifier et de gérer sa gouvernance selon les impératifs et le calendrier appréciés en fonction de sa conscience et de ses engagements électoraux ne sauraient lui procurer une sorte d'imperium lui permettant d'intégrer d'autorité dans le gouvernement et les sphères stratégiques des personnes présentant des aspects disqualifiant. La procédure d'habilitation sénatoriale évoquée plus bas devra veiller au grain.

                      V)-DU POUVOIR LÉGISLATIF : LE SÉNAT

                       La double représentation parlementaire actuelle ne se fonde sur aucune justification d'intérêt public de nature à motiver l’existence de la Chambre des conseillers dont le Roi Hassan II avait dit, à la suite de la dissolution du premier Parlement, en 1965, que c'était un luxe que ne pouvait se permettre le Maroc. Tout indique que dans l'état actuel du pays, cette appréciation demeure de rigueur et que la mission  assignée à cette assemblée consiste en fait, compte tenu des prérogatives que lui confère la Constitution, des modalités de son élection et de la qualité de ses membres, à faire, de façon inavouée, contrepoids à sa consoeur des députés, de servir de moyen à la fois de pression et d’enrayement d'un éventuel dérapage de la part des Représentants, et de retarder et d'alourdir la procédure parlementaire dans les cas contrecarrant la vision gouvernementale. En tout état de cause, sa véritable fonction n'est certainement pas de renforcer l'action législative mais plutôt de glisser " l'oeil de Moscou" au niveau législatif. Le système bicamériste devra donc disparaître au profit d'une nouvelle conception législative : le Sénat
                       51)- De sa composition:  Instance d’une centaine de membres, le Sénat sera l'organe législatif suprême de la Nation.
                       52)- De son mode d'élection: L'élection à cette institution, par suffrage universel direct, sera élevée, à terme, au niveau national, le pays étant pris pour circonscription unique. Il va de soi qu'une application brutale de ce mode reviendrait, dans le contexte politique actuel, à pratiquer sur un patient une opération chirurgicale à vif; elle entraînerait sûrement un arrêt cardiaque. Elle nécessitera donc une première expérience, sur deux législatures à venir, dans une aire plus réduite, régionale, pour préparer les élites régionales à la responsabilité nationale
                      53)- Des impacts escomptés:                                                                                     a)- neutraliser la pratique de l'achat des voix en la rendant pratiquement impossible, parce qu'il faudrait aux candidats malhonnêtes, investissant dans les élections comme dans le show-biz, débourser des sommes fabuleuses qu'ils ne seront jamais en mesure de récupérer; sauf si l'Etat y compense par l'octroi de prébendes et privilèges indus sur le dos des contribuables.
                                      b)- sasser un échiquier politique fortement parasité par des intrus de la dernière pluie et des formations bricolées, qui deviendra, ainsi, plus aéré, mieux adapté et structuré à la compétition électorale, et d'office au processus d'alternance, générant 2 à 4 formations " dinosaures". Les autres formations passant inéluctablement à travers le tamis se trouveront dans l'obligation de se regrouper et former, à leur tour, bloc pour pouvoir peser potentiellement sur l'enjeu politique, ou servir virtuellement d'appoint aux partis maîtres du jeu politique ou disparaître de l'arène politique.
                                      c)- rehausser la compétition électorale autour des idéologies et des programmes de société, au lieu de considérations personnelles et boutiquières, comme il en a été toujours le cas jusqu'à présent.
                                      d)- obtenir  une assemblée plus réduite quantitativement mais plus compacte, mieux visible, plus abordable que le Parlement actuel dont la majorité des élus se distinguent par un absentéisme quasi permanent aux travaux et débats parlementaires.              
                                      e)- peaufiner le panorama législatif, en obtenant une assemblée avec des élus aux mérites,  stature et charisme dignes de la représentation nationale.
                                      f)- restaurer la raison d'être de l'instance législative, si l’on veut avoir comme législateurs des hommes d’Etat au lieu d’hommes d’affaires dont nombre y viennent pour se dédouaner et redorer leurs blasons.
                                      g)- faire économiser à l'Etat, en matière de budget de substantielles dépenses que lui cause un Parlement pléthorique et inefficace réduit à une simple galerie propagandiste.
                                      h)- juguler l'intrusion de l'Etat dans la compétition partisane, lui ôter la possibilité de rafistoler, à sa guise, la carte électorale, de tripatouiller les scrutins et de confectionner des majorités hybrides, incrédibles et affidées, pour bénéficier de soutiens inconditionnels à une politique impopulaire.

                       54)- De l'exercice législatif:
                       Une lecture attentive de la Constitution actuelle fait apparaître que le gouvernement est le vrai maître du champ législatif, réduisant le Parlement à une simple instance d'enregistrement. Dans le système sénatorial, le Sénat   partagera avec le Gouvernement l'initiative des lois, conformément au 1er alinéa de l'article 52 de la Constitution, dans un esprit compétitif. Les projets de lois, émanant tant du gouvernement que du Sénat, seront discutés par ordre d'antériorité de leur dépôt. La notion de proposition de lois sera revisitée. Elle sera usitée par le Sénat comme une sorte de recommandation " non contraignante" à l'adresse du gouvernement, pour des textes ou amendements nécessitant au préalable une discussion paritaire. Les autres articles touchant à la mission législative seront réexaminés en conséquence.

                       55)- De la Procédure d'habilitation:
                       Par souci, d'une part, de conforter la représentation populaire du Sénat sur l'action et la gestion gouvernementale, et, d'autre part, permettre au peuple de disposer préalablement du profil de ceux qui seront amenés à assumer de hautes charges publiques, le Sénat devra initier des enquêtes " intuiti personae", de compétence et d'honorabilité, sur les membres du gouvernement, ceux du pouvoir judiciaire des Hautes Cours, les cadres supérieurs de l'Administration, des entreprises étatiques et semi étatiques stratégiques, des organismes à caractère social national, les ambassadeurs et les responsables nationaux de la Sécurité.

                      
                       56)- De la Cour nationale des comptes:
                       Le rattachement de cette Cour au Pouvoir législatif devra répondre à deux objectifs.
                                     a)- Un objectif politique: Si le Législatif vote la loi de Finances et l'Exécutif se charge de son application, il doit, naturellement, revenir à la première institution de veiller à la bonne foi que requiert cette application, et d'exercer directement un droit de regard et de contrôle dans un des domaines vitaux de la vie nationale qu'est la gestion des deniers publics, pour lequel il est élu.
                                     b)- Un objectif citoyen: Les scandaleuses et intarissables manoeuvres frauduleuses et criminelles qui ont, toujours, sabré les finances publiques  se trouvent explicitement ou tacitement favorisées par l'intolérable sentiment d'impunité qui prévaut chez les manipulateurs de ces dernières. La Cour des comptes actuelle, par l'adoption du profil bas et la position expectative qui lui sont connues, en raison de l'influence et ingérence gouvernementales, s'est toujours dérobée à ses responsabilités; se contentant tout au plus de rédiger à la fin des exercices budgétaires des rapports complaisants, même lorsque les scandales financiers sont étalés sur la voie publique. D'autre part, cette nouvelle Cour devra apurer le budget arrivant à échéance et soumettre ses conclusions au Sénat avant que celui-ci n'entame l'examen de la loi de Finances suivante.

                       57)- Du Conseil consultatif sénatorial: 
                       Auprès du Sénat, siégeront en conseillers les anciens chefs de l'Exécutif, Législatif et Judiciaire et d’anciens hauts magistrats, bâtonniers, juristes et autres responsables, ayant accompli leur Législature ou leur mandat sans faire l'objet d'une mesure de défiance ou de poursuites infamantes. Le but en sera de renforcer le Sénat en hommes d'expérience ayant servi loyalement la Nation et encore en mesure de faire bénéficier l'institution de leur savoir et de leur expérience.

                       58)- De la durée de la législature sénatoriale : Il ne pourra être mis fin à l’exercice sénatorial avant la fin de la période prévue par la Constitution.

                       59)- De la durée des sessions sénatoriales: Le Sénat sera amené à siéger sur des sessions de 9 mois ininterrompus.

                       60)- De la durée de la campagne sénatoriale: Elle revêtira deux aspects:
                                      a)- Aspect de proximité: En raison de l'étendue de l'aire électorale, et pour permettre aux candidats de disposer de suffisamment de temps pour parcourir le pays et aller à la rencontre des électeurs, la campagne électorale sera étendue sur une période de 3 mois.
                                      b)- Aspect de médiatisation et confrontation: Pour renforcer la prise de conscience des électeurs quant à l'importance de l'enjeu, leur permettre d'analyser les programmes des uns et des autres candidats, se faire une opinion aussi approchée que possible sur leurs programmes et se prononcer en connaissance des causes des hommes et des idées, les meetings et interventions des candidats seront relayés sur une chaîne spéciale de télévision qui programmera également des confrontations oratoires entre les candidats. Cette même chaîne continuera à transmettre, par la suite, de façon permanente les séances et débats du Sénat. Ainsi, le peuple aura l'occasion de juger, directement et de visu, le vrai profil de ses représentants.

                      61)- Des conditions matérielles de travail: Indépendamment des avantages financiers et moraux afférents à la fonction, chaque sénateur devra disposer intra ou extra muros d'une "permanence", sorte de lieu de domiciliation, qui sera dotée, aux frais de l’Etat, en ressources humaines et matérielles facilitant la charge.

                          VI)- Du POUVOIR JUDICIAIRE :

                          Au Maroc, la prétendue indépendance de la Justice clamée dans l'article 82 de la Constitution ne convainc pratiquement personne. Une analyse attentive de la Constitution démontre, facilement, que le pouvoir judiciaire réel, à travers la nomination des magistrats, et sa gestion par le ministre de la Justice, partie intégrante de l'Exécutif, se ressource, en fait, dans les intentions et les visées de la puissance régalienne ; notamment par le biais des Parquets, véritable Police des tribunaux, qui éternuent quand l’Exécutif s’enrhume. L’indépendance de la Justice ne sera réellement assurée que si cette dernière est restructurée de façon inédite : Le ministère de la Justice et le Conseil supérieur de la magistrature devront, de ce fait, être supprimés et absorbés dans une nouvelle formulation du Pouvoir judiciaire.             
 
                       61)- De la nomination du Chef du Pouvoir judiciaire : Cette charge pourra revenir à un homme politique, ou un haut magistrat, ou un juriste de renom ou un Alem coopté par le Conseil supérieur des oulémas. Nommé après consensus en Conseil du Trône et procédure d’habilitation initiée par le Sénat, il portera le titre de Président du Pouvoir judiciaire et sera logé à la même enseigne constitutionnelle et protocolaire que ceux de l’Exécutif et du Législatif.
                       62)- De l’organisation judiciaire :
                               b)- Des Hautes instances:
                                       - La Cour suprême : sans objet.
                                       - La Cour constitutionnelle: Se substituant au Conseil constitutionnel,  elle officiera, en plus des attributions conférées à celui-ci en matière de procédure "d'impeachment" initiée par toute personne physique ou morale et consistant à introduire auprès de cette juridiction des recours, tant à l'encontre des Chefs ou membres des trois Pouvoirs pour raisons incompatibles avec leurs responsabilités ou leurs conduites, que des lois en vigueur et projets de loi censés charrier des dispositions préjudiciables à la sauvegarde nationale, à l'unité spirituelle de la Nation, à la cohésion sociale, à la qualité de la vie et à tout intérêt personnel ou collectif. Elle aura, aussi, à assumer une double mission :
                   - veiller principalement et directement à l’organisation et au déroulement des élections sénatoriales et en proclamer les résultats.
                   - mettre en place des tribunaux des élections pour les échéances régionales et locales.
                               c)-  La Haute Cour de justice:  connaîtra de l'opportunité des poursuites pour  les crimes de haute trahison dans lesquels seraient impliqués, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, toutes les personnalités soumises à la procédure de l'habilitation sénatoriale, et les membres du Sénat.
                               d)- La Haute Cour de contrôle: fera office d’instance d’inspection et de suivi du bon fonctionnement de la Justice dans tous ses aspects, aux plans moral et matériel
                              e)- Des Cours d'appel: sans objet.
                                f)- Des juridictions de 1ère Instance: sans objet.
                       63)- Du droit à la défense: En matière pénale, le droit à la défense sera étendu à la phase de l'enquête préliminaire. Tout citoyen prévenu dans le cadre d'une poursuite judiciaire aura droit de se faire assister au niveau de l'élaboration de la procédure par un défenseur du barreau, dont le contreseing du registre de garde-à-vue devra authentifier cette mesure si elle venait à être décidée contre son client.
                      64)- Du juge des enquêtes: Si, au cours de l'enquête préliminaire, la défense constate que son client n'est pas traité dans les normes fixées par la loi, que sa dignité et son intégrité morale et physique s'en trouvent  menacées, que ses alibis et justifications ne sont pas pris en considération , elle pourra requérir la présence sur le champ du juge des enquêtes qui devra instruire la requête, faire cesser les errements et abus constatés, demander au Procureur de prononcer la dessaisie des enquêteurs et de prendre à leur égard les mesures adéquates. Ses constatations et interventions devront figurer in fine de la procédure ou jointes à celle-ci pour servir, à la juridiction compétente, parmi les éléments d'appréciations dans l'élaboration de l'intime conviction et le prononcé du jugement.
                      65)- De l'indépendance de la Magistrature: Si la réforme de la Justice telle que préconisée ci-dessus est de nature à donner au concept de la pondération des pouvoirs la signification de jure et de facto qu'il doit renfermer, et à promouvoir une véritable indépendance de la Justice en tant qu'institution, cette indépendance doit se refléter au sein même de cette dernière. La syndicalisation des magistrats, dans le cadre d'un organisme corporatif purement professionnel en est une pierre de renforcement qui doit leur assurer la défense de leurs intérêts matériels et moraux en toute liberté et conscience, sans crainte de représailles de la part de la hiérarchie ou de répercussions fâcheuses sur leurs carrières.

                           
                       VII)- DE LA REGIONALISATION :

                     La Région devra constituer l'ossature gouvernementale de base de la Nation. L'actuelle assiette régionale devra être remodelée de façon à obtenir démographiquement et économiquement un ensemble territorial cohérent qui puisse s'ériger en entité politico législative en mesure de légiférer et se gouverner de façon autonome dans les différents domaines qui ne nécessitent pas forcément l’intervention ou l’aval du Pouvoir central. Une révision de la Constitution devra établir le fondement juridique des pouvoirs régionaux et l'assiette des mécanismes devant régir les rapports entre le Parlement régional et le Gouvernement régional, dans la conformité et le respect de la lettre et de l'esprit de la Constitution nationale.

                       71)- Des Parlements régionaux:
                       L'expérience acquise, durant les quatre décennies écoulées, en matière électorale, permet la mise en place, aussitôt, de Parlements régionaux. Provenant, contrairement au Sénat, du scrutin indirect, pendant une certaine période, résultant en deuxième ressort des élections locales, ils devront doter les différentes zones du pays d'un arsenal législatif plus approprié à les accompagner dans leur quête légitime d'une vie plus décente, et à répondre à leurs spécificités et potentialités économiques, sociales, culturelles, et toutes autres perspectives particulières. En complément du souci de renforcer les fondements de la démocratie et de la décentralisation, ces Parlements seront destinés à promouvoir une meilleure prise de conscience politique et civique et à inciter les citoyens à participer à une action législative de proximité, mieux l'influer, mieux en contrôler l'évolution, mieux connaître leurs représentants et mieux les sanctionner. Mais il est un autre aspect, capital, qui préside à cette perspective: le Parlement régional devra être pour le Sénat ce qu'est le lycée pour l'université, une pépinière d'hommes et de femmes qui devront se préparer à intégrer un univers plus vaste et plus ardu de la connaissance et de l'ouverture d'esprit, et mieux s'armer pour prendre la relève aux hautes charges de l'Etat, en l'occurrence au niveau du sénat et du gouvernement. Après une période transitoire, l’élection au Parlement pourra évoluer vers le suffrage direct régional.

                      72)- Des Gouvernements régionaux:
                      À l'issue de deux législatures régionales, l'expérience dans ce domaine aura sans doute permis aux citoyens de mieux maîtriser les mécanismes de la gestion législative régionale, et les aura préparés mentalement à prendre en charge le volet politique qui devra en découler. Dans ce cas, l’institution de Gouvernements régionaux devra se substituer au Gouvernement central dans tous les aspects de la vie courante, susceptibles d’être assumés régionalement sans risque de conflits entre les deux entités.

                        Mr le Président, Mesdames et Messieurs, je conclurai sur une fine boutade de Omar Seghrouchni. Posant la question ‘ Qui construit quoi ?’il dit : ‘ En 1956, la Monarchie souhaita à être le seul architecte -des instruments de souveraineté- l’affirma, l’imposa et invita le Mouvement national à se contenter du rôle de maçon. Une frange de celui-ci accepta, une autre refusa et revendiqua son droit naturel à être co-architecte ; Cela a donné en 1959 l’UNFP…et des années de répression féroce. Dans la logique du pouvoir, le sujet était ‘maçon’  et ne pouvait être architecte. En 1975, Abderrahim Bouabid essaya une autre formule : être architecte avec une carte visite de maçon. Les résultats furent maigres. En 1998, Abderrahman Youssoufi finit par accepter d’être maçon avec une carte visite d’architecte’.
                       Mr le Président, Mesdames et Messieurs, si votre Commission est la première et dernière à plancher et à statuer sur la réforme constitutionnelle, j’ignore la part de responsabilité ou de mérite que vous fera porter ou que vous accordera l’Histoire. Elle dépendra sûrement de la carte visite que vous aurez utilisée. En tout cas, je suis honoré que vous m’ayez accordé votre attention et permis d’apaiser ma conscience. Je vous en remercie vivement et vous exprime ma profonde considération.






              







             






        








                  







                 

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